OLLIE MARRIAGE • LOÏC DEPAILLER | LE 19 JUIN
2019 |
Qu’est ce que c’est ?
Polestar est la branche techno-futuristico-luxueuse de
Volvo. Et la “1” est de manière très appropriée leur premier modèle. C’est
aussi fort probablement la voiture la plus chère qu’elle construira jamais, et
la seule hybride : toutes les prochaines seront 100 % électrique. Et c’est une
Super GT.
Mais Polestar n’aime pas faire comme tout le monde. Avec son
tarif de 155 000 €, une puissance de 600 ch et un poids de 2 350 kg, elle entre
en concurrence directe avec des poids lourds du segment comme la Continental
GT, Le coupé Classe S de Mercedes ou la Série 8 de BMW. Du moins sur le papier.
Mais elle n’a rien en commun avec ces dernières. Déjà, elle n’a ni suspensions
pneumatiques, ni amortisseurs adaptatifs. Et elle renvoie la majorité de sa
puissance sur l’essieu avant plutôt que l’arrière. Elle est équipée d’origine
de freins provenant de chez Akebono, fournisseur de McLaren pour l’hypercar P1.
Si on excepte les pare-chocs, l’intégralité de la carrosserie est réalisée en
fibre de carbone. Tout comme la structure supérieure du châssis d’ailleurs. Et
l’amortissement est ajustable manuellement via une molette ancrée directement
sur la tête de l’amortisseur.
Moitié GT, moitié voiture de course alors ? Du tout, c’est
une pure GT mais pensée différemment des autres. Elle est basée sur une version
raccourcie de la plateforme SPA de la Volvo S90, avec environ 200 mm
d’empattement en moins et un porte-à-faux arrière raboté lui aussi de 200 mm.
Et il y a des renforts en carbone planqués un peu partout. Résultat, la
rigidité torsionnelle du châssis a augmenté de 45 %. Sous le capot, on trouve
un quatre-cylindres deux litres avec une double suralimentation (turbo +
compresseur) délivrant 320 ch, le même que dans le XC90 T8. Il n’entraîne que
les roues avant et il est accouplé à un moteur électrique de 55 ch ancré
directement sur le vilebrequin, qui sert de démarreur et booste la puissance
lorsque le moteur tourne à bas régime ou lors d’un changement de vitesse.
Les roues arrière disposent chacune d’un moteur électrique
(pratique pour la vectorisation de couple) et leur puissance cumulée s’élève à
232 ch. Au total, la Polestar 1 dispose de 600 ch et 1000Nm de couple. Oui,
nous aussi on a une calculatrice, et oui, si on additionne tout, ça fait 607
ch. Mais ce sont les chiffres officiels, donc envoyez vos hate mails et
vos tweets corrosifs directement chez eux, merciiiii…
Reprenons. Pour alimenter tout ça en électricité, Polestar
utilise un pack de batteries de 34 kWh (et 342 kg), assemblé en forme de T et
logé sous le châssis au niveau de l’axe central et des sièges arrière. C’est
assez pour permettre à la ‘1’ de parcourir 150 km en silence et sans faire
fondre la calotte glaciaire. Le modèle que nous conduisons est un prototype en
phase finale de développement construit en Suède mais les versions finales
seront assemblées en Chine dans l’usine Geely de Chengdu. Logique vu que Geely
est le propriétaire de Volvo. Notez que Volvo n’a toujours pas communiqué de
chiffres officiels de performance ou de consommation.
Le carbone n’est pas là que pour le poids et la légèreté :
ce matériau offre aussi beaucoup plus de liberté dans le moulage des formes de
la carrosserie. Les angles de la ‘1’ sont particulièrement affûtés et Polestar
a délibérément repris certains des tics stylistiques de la sublime Volvo P1800
(comme l’arête tombante soulignant les ailes arrière).
Sur la route
Les amortisseurs de la Polestar 1 sont
ajustable sur 22 clics. Si vous le désirez, vous pouvez complètement assouplir
l’avant et durcir l’arrière en jouant avec les réglages d’hydraulique, juste
pour voir comment ça fait. D’origine, ils sont réglés sur 9 à l’avant et 10 à
l’arrière, et le manuel de bord contient des suggestions sur les différents
réglages à adopter si on souhaite assouplir ou durcir tout ça. Mais pas via un
bouton au tableau de bord, à la main, ça fait drôle d’écrire ça en 2019. Pour
ajuster l’avant, c’est pas trop compliqué, il suffit de soulever le capot. Mais
pour l’arrière, il vous faudra soit un cric, soit un bras avec trois
articulations.
Ce détail, qu’on ne retrouve habituellement qu’en
compétition, est un peu incongru sur une super GT. L’hypothèse la plus probable
pour justifier ce de choix délibéré de Polestar ? Se démarquer radicalement de
la concurrence. Ces amortisseurs proviennent de chez Ohlins – fidèle partenaire
de Polestar en compétition – et je pense qu’ils coûtent une petite fortune vu
comment ils transcendent le comportement de cette suédoise de 2,3 tonnes. Si
l’hydraulique est typée “confort” (du moins avec les réglages d’origine), ils
ont la capacité de travailler toujours de manière constante dans toutes le
conditions. Habituellement, un amortisseur perd en finesse de filtrage dès
qu’on lui applique une charge trop important – ceux qui ont déjà roulé sur un
nid de poule alors qu’ils négociaient une grande courbe en plein appui avec une
BMW M2 sauront de quoi je parle. Il en résulte une rigueur de comportement
proprement hallucinante, doublée d’un toucher de route cinq étoiles. La clarté
avec laquelle le conducteur ressent le travail des trains roulants de la
Polestar 1 est digne des meilleures sportives de la planète, le confort en
plus.
La qualité de la direction (électrique) n’atteint
malheureusement pas les mêmes standards mais c’est toujours beaucoup mieux que
ce que fait la concurrence. C’est direct et précis sans être hyperactif et les
retours d’informations sont presque décents. Quant aux freins Akebono (très
puissants mais pas en carbone céramique), il font preuve d’un peu trop de
mordant pour une GT. La moindre pression sur la pédale ayant un effet immédiat
sur les énormes disques de 400 mm. Espérons que ce détail agaçant sera réglé
sur les versions finales avant le lancement de la production.
Et maintenant parlons un peu du moteur. En mode 100%
électrique, on peut rouler jusqu’à 100 km/h tout en profitant d’accélérations
décentes. Je l’ai appris à l’insu de mon plein gré en abordant une entrée
d’autoroute alors que je pensais être en mode hybride, jusqu’à ce que je
réalise que la Polestar ne faisait aucun bruit… Basculez en mode Hybride ou
‘Power’ via une molette sur la console centrale réveillera le quatre cylindre,
son turbo et son compresseur. Et là, la ‘1’ pousse fort, très fort. Peut-être
pas autant qu’une Tesla en mode Ludicrous mais assez pour passer de 0 à 100
km/h aux alentours de quatre secondes ou moins d’après mes estimations. La
sonorité du bloc est anonyme mais pas désagréable et la boîte automatique huit
rapports n’appelle aucune critique. Jusque-là, tout va bien. Surtout,
l’hybridation conçue par Polestar semble avoir trouvé le juste équilibre entre
l’électrique et le thermique. L’un n’est pas là pour être le faire-valoir de
l’autre (et l’autonomie est suffisante pour envisager sereinement les petits
trajets en mode électrique). Mieux, l’effet du torque vectoring est sensible
lorsque toute la puissance du moteur thermique transite par les roues avant. Plutôt
que de sous-virer lorsqu’on met le pied au plancher en plein milieu d’un
virage, les moteurs électriques de la Polestar 1 renvoient plus de puissance
sur la roue arrière extérieure et freinent la roue arrière intérieure. Il en
résulte un comportement très neutre et très équilibré, et il faut atteindre des
vitesse plus que déraisonnables avant d’arriver au bout des possibilités du
système et finalement voir apparaître du sous-virage.
Tout ceci mis bout à bout fait de la Polestar 1 une GT
unique dans le paysage automobile actuel. Elle est tout à la fois confortable,
silencieuse, luxueuse mais elle incite également son conducteur à la conduire
plutôt que de simplement la guider (contrairement à une Volvo), son châssis est
vif et réactif, engageant, plaisant, équilibré… presque sans défaut sans pour
autant être sportif. Une vraie réussite.
À bord
L’intérieur est très Volvo. Ce n’est pas fondamentalement un
problème, même il ressemble énormément à celui des S90 et XC 90 qui coûtent
deux fois moins cher. Parce qu’il n’a rien à envier à celui d’une BMW ou d’une
Mercedes. Si vous voulez du fait main et de l’inédit, tournez-vous plutôt vers
Bentley. L’habitacle n’est disponible que dans deux coloris – gris ou beige –
et l’équipement est tellement riche (hifi Bowers & Wilkins, cuir nappa,
etc) qu’il n’y a que très peu d’options au catalogue.
Il y a plus de choix pour l’extérieur : accastillage chromé
ou noir pour la carrosserie, jantes disponibles dans trois finitions et cinq
couleurs… Pour le toit en revanche, vous n’aurez pas le choix, toutes les
Polestar 1 seront équipées d’un verre teinté et laminé qui filtre 95% des UV
(et sans rideau occultant). C’est bon pour la garde au toit à l’avant mais le
renfort structurel à l’arrière est localisé juste au dessus de la tête des
passagers. Ces derniers devront également composer avec un espace aux jambes
tellement restreint que seuls des enfants ou des ados se sentiront à l’aise
pour voyager. Pas grave, de toutes façons, le coffre n’est pas assez grand pour
accueillir les bagages de quatre personnes vu qu’il y a tout de même deux
moteurs électriques sous le plancher (le joli câblage orange derrière un cache
plastique est d’ailleurs là pour vous le rappeler).
Globalement, il en manque tout de même un peu pour justifier
le tarif de 155 000 €. Tout est très confortable, bien agencé et facile de
prise en main, mais peut-être un peu trop anonyme (ou pas assez distinctif)
dans cette gamme de prix.
Budget
Vous ne croiserez pas une Polestar 1 à tous les coins de
rue. Elle ne sera produite qu’à 1 500 exemplaires, dont 600/700 pour le marché
chinois. Le reste sera réparti entre les Etats-Unis, le Canada, la Suède, la
Norvège, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Angleterre et la Belgique. Si vous en
voulez une, préparez-vous à passer un petit coup de fil à l’international. Le
rythme de fabrication de l’usine chinoise de Polestar sera de 15 modèles par
semaines, pas plus. Le très haut niveau d’équipement et la rareté du produits
aident à justifier le tarif de 155 000 €.
Verdict
La Polestar 1 est une automobile très intéressante parce
qu’on ne peut la comparer à aucune autre voiture de sa catégorie. Au premier
abord, on pourrait s’imaginer que c’est une concurrente de la BMW Série 8 mais
son prix, son poids et sa puissance sont comparables à ceux d’une Bentley
Continental GT. Et en réalité, elle est unique. La nature généreuse de la
motorisation hybride s’accorde parfaitement avec sa vocation de super GT. C’est
une motorisation homogène, cohérente, et très loin des exécutions de certains
constructeurs qui n’ont visiblement collé à un moteur électrique à leur bloc
traditionnel que pour raboter quelques grammes de CO2 sur leur fiche technique.
Elle est parfaitement utilisable en mode 100 % électrique et poilue à souhait
dès qu’on souhaite profiter de la puissance combinée offerte par l’hybridation.
Mieux -et c’est une grande première dans la famille Volvo –
son châssis est dynamiquement à la hauteur du combo 600 ch/1000 Nm. Une Volvo
est capable de rouler vite mais fondamentalement, elle n’aime pas ça et on ne
prend aucun plaisir au volant dans cet exercice. Là, oui !
Source : TopGear
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